LA  VIE  DES  SCIENCES

Comptes rendus de 

L'ACADÉMIE

DES

SCIENCES

 

La Vie et l'Oeuvre de Pierre LIMASSET

par Henri DURANTON de l'Académie

La Vie des Sciences  -  Gaulthier-Villars
Tome 7, n° 6 – année 1990

La vie et l’œuvre de Pierre Limasset par Henri Duranton

Le Site "Pierre Limasset" remercie l'Académie des Sciences, Service des Séances et Service des Archives,
de l'avoir autorisé les 03 et 10 septembre 2002, à publier cet Hommage.

 

 

Le Professeur Limasset est né à Paris le 20 mars 1911. Il sortit de l'Institut National Agronomique de Paris avec le titre d'ingénieur agronome en 1934. Esprit curieux, avide de savoir, il obtint une licence ès Sciences naturelles, à la Faculté des Sciences de Paris en 1937, après avoir obtenu les certificats de Zoologie, de Botanique et de Géologie.

C'est en 1937 qu'il entra comme chef de travaux à la Station Centrale de Pathologie Végétale de l'Institut National de la Recherche Agronomique, à Versailles. Dix ans après, il en était le Directeur. En 1954, il devint Professeur à l'École Nationale Supérieure Agronomique de Montpellier dans la chaire de Botanique et Pathologie Végétale, chaire qu'il quitta en 1971. Son goût pour l'enseignement est illustré par le fait que, de 1946 à 1953, bien qu'attaché à l'Institut National de la Recherche Agronomique, il enseigna la Botanique à l'École Nationale d'Horticulture de Versailles.

Quant à son activité de recherche, elle fut essentiellement orientée vers la pathologie végétale.

Ses premiers travaux scientifiques concernèrent l'étude des mycoses des végétaux : tavelures des arbres fruitiers, mildiou ou fusariose de la Pomme de terre, cercosporiose de la Betterave... En ce qui concerne le Phytophthora infestans, qui causait à l'époque des ravages importants chez la Pomme de terre, il montra :


- le rôle des tubercules dans la conservation hivernal du champignon,
- l'importance du nombre de foyers primaires issus des tubercules infectés dans la vigueur de l'agression du parasite,
- le rôle de la sensibilité de la variété de Pomme de terre au champignon et celui du développement de son feuillage. 

L'étude de la biologie du parasite lui permit ainsi d'améliorer les méthodes de lutte.

Parallèlement à ces recherches, Pierre Limasset mena des études sur les maladies à virus des plantes, études qui furent à l'origine de découvertes très importantes avec des applications agronomiques exceptionnelles.

Il mit au point des tests sérologiques et biologiques qui permirent de distinguer. à grande échelle, chez la Pomme de terre, les tubercules sains de ceux infectés par les virus X et Y.

Il appliqua à d'autres matériels comme le Fraisier, le Dahlia, la Betterave, des techniques de sélection sanitaire qui rendirent de très grands services à l'agriculture.

Cependant ces techniques ne permettaient pas de guérir des plantes malades, mais seulement de les détecter afin de les éliminer et d'éviter ainsi la propagation de la maladie.

A l'époque, seule était connue la thermothérapie, méthode qui permettait de guérir des plantes virosées. Mais cette méthode n'était applicable qu'à un petit nombre de plantes.

Ce sont des recherches de type fondamental entreprises par Pierre Limasset, qui ont ouvert la voie à la mise au point d'une technique originale de guérison de plantes atteintes de maladies à virus.

Bawden et Pirie, en Grande Bretagne, avaient démontré que les particules virales ne semblaient pas réparties de manière homogène dans les plantes virosées. Ce sont les études très précises de Pierre Limasset et de son élève Cornuet, à l'aide de dosages sérologiques et biologiques qui mirent en évidence un gradient croissant de concentration en virus allant des parties les plus jeunes de la plante vers les parties âgées. Ils eurent alors l'idée de pousser plus loin leurs recherches en affinant leurs techniques de détection des virus. Dans ce but, Pierre Limasset et son élève, prélevèrent aseptiquement, sous la loupe binoculaire la petite calotte de méristème située au-dessus des premières ébauches foliaires. Cette petite calotte méristématique fut divisée en deux : la partie apicale et la partie sous-jacente. Les deux fragments furent chacun écrasés sur une feuille d'un jeune tabac sain préalablement saupoudrée de carborendum en vue de réaliser une inoculation.

Les résultats de cette expérience, répétée un grand nombre de fois, montrèrent que même dans le méristème d'une plante virosée, il y a un gradient de concentration de particules virales : la partie apicale du méristème étant moins riche en particules virales que sa partie sous-jacente. Ils mirent en évidence que parfois, il était impossible de révéler la présence de particules virales dans l'apex de la plante. Cette observation permit à Limasset de présumer que la section de la calotte du méristème, telle qu'il l'avait réalisée, était effectuée à l'extrême limite de la zone de multiplication du virus dans la plante. La justesse de cette réflexion fut démontrée par un autre élève de Pierre Limasset, Claude Martin en collaboration étroite avec Georges Morel. En cultivant " in vitro " des méristèmes de Dahlia et de Pomme de terre prélevés sur des plantes infectées par divers virus, ils réussirent à régénérer des plantes saines. Cette technique de guérison des plantes virosées déboucha ultérieurement sur la multiplication végétative " in vitro " qui révolutionna les pratiques agricoles. On ne doit pas oublier que les travaux de Pierre Limasset ont ouvert la voie à ces découvertes.

Là ne s'arrête pas l'œuvre scientifique de Pierre Limasset. Il poursuivit par la suite des recherches sur la mise en évidence de substances susceptibles d'inhiber l'installation des virus ou leur multiplication à l'intérieur des tissus de l'hôte. Très intéressantes dans le domaine fondamental, elles ne débouchèrent pas sur des applications pratiques.

Tous ceux qui ont travaillé avec lui, gardent le souvenir d'un homme hors du commun d'une honnêteté absolue. Ennemi de tout compromis, il se refusait à toute recherche d'avantages personnels. Bien que ne sollicitant pas les décorations, les prix et autres distinctions, il fut fait :
- chevalier du Mérite agricole en 1947
- officier du Mérite agricole en 1952
- chevalier des Palmes académiques en 1960
- chevalier de la Légion d'honneur en 1960.

     Il reçu :
- le Prix de la classe 38 de l'Académie d'Agriculture,

- le Prix Noury de l'Académie des Sciences,
- la Médaille d'Or de l'Académie d'Agriculture.

C'est en 1967 qu'il fut élu Membre correspondant de l'Académie des Sciences.

Deux autres aspects de l'homme doivent être évoqués pour mieux lui rendre hommage.

Pierre Limasset avait un goût prononcé pour l'enseignement auquel il consacra le meilleur de lui-même. Il cherchait à enrichir tous ceux qui l'approchait en leur transmettant ses connaissances et c'est avec les jeunes qu'il trouvait le plus de plaisir.

Enfin, on occulterait un aspect fondamental de sa personnalité si l'on n'évoquait pas son visage de croyant. Citons l'un de ses collaborateurs : 
" Il apportait à l'étude des fondements de sa foi les mêmes capacités qu'il démontrait dans l'exercice de sa profession : recherche en profondeur, exigences critiques, mais aussi absence de compromis dans ce qu'il considérait comme une conséquence qu'on ne peut écarter : la pratique religieuse ".

Époux attentionné, il était le père de huit enfants et l'aïeul de dix-huit petits enfants.

Ce savant respecté mourut le 14 mars 1988 à Montpellier.

 

Henri DURANTON, Membre de l’Académie des Sciences

 

 





Accueil du Site : http://pierre.limasset.net