- Article Paru dans le Jardin du Cheminot  -  mai-juin 2003 - N° 335 -

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Pierre LIMASSET  

Père de la "Culture des Méristèmes" (1) et initiateur de la Virologie (2) à l'Institut National de la Recherche Agronomique, Pierre LIMASSET, mérite d'être mieux connu. 

Ce savant est né à Paris, rue Michel Chasles, le 20 mars 1911, dans une honorable famille bourgeoise. Son père, André, était ingénieur dans une usine familiale de fils et câbles électriques, la Maison "Alliot, Rol et Cie", implantée à Reuilly et à Bohain, spécialisée dans les câbles sous-marins. Très tôt, Pierre a su qu’il ne travaillerait pas dans l'entreprise familiale. 

Il a été élevé dans un univers de femmes, où sa mère Jeanne, ses sœurs Élisabeth et Simone, ainsi que ses quatre cousines germaines, occupèrent une grande place. Studieux, il ne recherchait ni les plaisirs, ni l’oisiveté. Il étudiait avec passion. Plus tard, il dira avec une modestie sincère à ses enfants : « je n’étais pas spécialement intelligent et je n’étudiais pas toujours avec facilité. Par exemple, je n’étais pas très bon en maths, mais j’ai acquis un bon niveau dans cette discipline à force de travail ». 

Sa mère, femme de caractère, était dure et autoritaire. Elle n’avait pas particulièrement un tempérament doux et affectueux avec ceux qui l’entouraient. C’est peut-être à cause de sa mère, que Pierre bien que sensible, était peu enclin à extérioriser ses sentiments.

 Généreux, intègre et parfaitement honnête, il défendait des valeurs dont il était fier. La Recherche et la Science nourrissaient littéralement sa Foi en Dieu. C’était un homme profondément religieux. Il avait un amour très fort pour sa famille et l’un de ses buts était de  transmettre sa Foi et ses Valeurs à ses enfants. La famille était pour lui quelque chose d’essentiel. Très cultivé, il s’intéressait à tout : à la philosophie, à l’histoire, à toutes les sciences et même à la parapsychologie; par exemple, la transmission de pensée était pour lui une réalité. Aimant le confort de sa maison et non pas le luxe, il avait des goûts simples et ne recherchait ni la notoriété, ni les honneurs.

Jeune homme studieux, il débuta ses études au Lycée Charlemagne, puis sortit de l'Institut National Agronomique de Paris avec le titre d'ingénieur agronome en 1934. Esprit curieux, avide de savoir, il obtint une licence ès Sciences naturelles, à la Faculté des Sciences de Paris en 1937, après avoir obtenu les certificats de Zoologie, de Botanique et de Géologie. Entré en 1935 à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), il devint directeur de la discipline "pathologie végétale ". Il se distingua particulièrement dans la mise en place d’un secteur de recherches sur les virus des végétaux. Les plantes qui se multiplient par voie végétative, transmettant donc les virus, étaient atteintes de maladies dites de "dégénérescence ". Il mit en œuvre une méthode de détection des virus par un réactif spécifique et sensible. C’est lui qui, s’apercevant qu’il ne trouvait pas de virus dans les méristèmes (1), eut l’idée de faire des cultures de méristèmes pour obtenir des plantes sans virus. Ces recherches eurent, et ont encore évidemment, un très grand intérêt pratique. Pensant que sa place était à l’Enseignement auprès des étudiants, il devint professeur de pathologie végétale à l'École Nationale Supérieure Agronomique (ENSA) de Montpellier. Il fut un professeur remarquable, tout comme il l’avait été à l’École Nationale d’Horticulture de Versailles. Bien que ne recherchant pas les décorations, les prix ou autres distinctions, il fut fait : Chevalier du Mérite Agricole en 1947, Officier du Mérite Agricole en 1952, Chevalier des Palmes Académiques en 1960 et Chevalier de la Légion d'Honneur en 1960. Il reçut le Prix de la classe 38 de l'Académie d'Agriculture, le Prix Noury de l'Académie des Sciences et la Médaille d'Or de l'Académie d'Agriculture.

C'est en 1967 qu'il fut élu Membre de l'Académie des Sciences.

Amoureux de la nature, il pratiquait la marche avec enthousiasme, surtout dans les Cévennes et la Garrigue. Les fleurs sauvages l'enchantaient. En vacances, il affectionnait les longues promenades avec sa famille dans les petits sentiers ou les drailles cévenoles (3). Perplexes ou ennuyés, ses enfants les plus jeunes, écoutaient les noms latins des plantes ou des champignons rencontrés dans ces belles contrées. Très patient, il était capable de venir chaque jour, à des kilomètres de Montpellier, observer un bouton de fleur en développement, pour un jour, si le ciel était clément, prendre en photo la fleur épanouie avec son appareil à réglages manuels et tout l'attirail associé : trépied, posemètre et  double mètre ruban. Le résultat était souvent un chef d'œuvre. Il était aussi un excellent cinéaste et faisait des films familiaux en double huit d'une rare qualité pour l'époque (le film de 16 mm était coupé dans le sens de la longueur lors du développement).

Voici une anecdote racontée par Pierre CORNUET qui lui a brillamment succédé à L'INRA de Versailles : A coté de son aspect austère, réservé, profondément réfléchi, notre directeur ne manquait pas d’humour, il avait le sens du raccourci. Lorsqu’il devint évident que l’ADN transportait les informations génétiques, il nous dit: " C’est très grave ! Supposez qu’un moustique pique le concierge, puis pique votre femme, alors il ne faudra pas vous étonner si votre futur enfant ressemble au concierge ! ".

Il épousa Geneviève, seconde fille du physicien Alexandre Mauduit, Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy et Directeur de l'Institut de l'Électrotechnique. Elle avait fait des études d’infirmière, appris la musique (violon, piano) et surtout la peinture aux beaux-arts de Nancy. Maîtresse de maison accomplie, Geneviève avait su développer les qualités nécessaires pour diriger la maison d’un homme de sciences qui semblait ne vivre que pour la recherche et ses activités pédagogiques ou intellectuelles. Geneviève, dure à la tâche, s’occupait de ses nombreux enfants, de sa grande demeure de la Cité Mion à Montpellier, de son jardin agrémenté de rosiers grimpants jaunes ou rouges, de géraniums et de lauriers roses. Pierre était un savant, mais son épouse, quant à elle, avait la "main verte". Elle excellait dans les bouturages qu'elle réalisait d'instinct. Elle savait manier la binette, le sécateur et la brouette. Très manuelle, pour faire des lainages de toutes sortes, elle utilisait avec adresse et patience, une machine à tricoter avec des plateaux différents et des contrepoids. Lectrice de revues de couture, elle savait aussi confectionner des vêtements en tissu. Malgré tout cela, elle arrivait à trouver du temps pour animer chez elle des cours de catéchisme. Mais la passion de Geneviève était et reste toujours les oiseaux. Aujourd’hui encore, à bientôt quatre vingt onze ans, elle vit en appartement à Montpellier auprès d'une grande volière offerte par sa nombreuse descendance.

 Pierre et Geneviève ont eu onze enfants. Huit sont aujourd'hui encore vivants (une fille et sept garçons). 

Henri Limasset (4)

 

(1) Méristème : Tissu végétal formé de cellules indifférenciées, siège de divisions rapides et nombreuses, situé dans les régions de croissance de la plante.

Définition de la culture des Méristèmes par le laboratoire TECHNIVIT : La culture de méristèmes se déroule généralement de la manière suivante: des boutures contenant un bourgeon végétatif sont prélevées sur les variétés à assainir, ces explants sont stérilisés puis disséqués stérilement, (sous hotte à flux laminaire), sous une loupe binoculaire, afin d'extraire le méristème de l'apex (dôme apical sans feuilles), qui mesure moins de 0,4 mm. Ce méristème est rapidement déposé dans un tube de culture contenant un gel nutritif. Progressivement, les cellules vont se diviser, des feuilles vont se former, au bout d'un mois cette pousse devra être repiquée sur un nouveau milieu pour parfaire sa croissance, puis un mois plus tard il faudra multiplier ou cloner les pousses afin d'obtenir le nombre voulu de plantes saines. 

(2) Virologie : étude des Virus.

(3) Draille : chemin séculaire emprunté par les troupeaux transhumants.

(4) 9ème enfant de Pierre Limasset. L'article publié dans la revue du "Jardin du Cheminot" était signé du pseudonyme "Lucien Desforges".

 



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